L’utilisation du plastique comme paillage pour la plantation de haies est un sujet qui ne laisse pas indifférent, preuve en est avec la réaction de notre ami croqueur de l’Aube Fabrice Robin, lequel nous catalogue peut-être un peu vite d’inconditionnels de ce plastique pour envisager avec succès une plantation de haie.
Aussi aimerions-nous, sans pour autant entamer une polémique tout sauf pragmatique, apporter un bémol au jugement un peu sévère de notre Croqueur Champenois.
Dans un précédent article, nous rappelions les conditions à la bonne plantation d’une haie, et parmi celles-ci, il est impératif de limiter la concurrence de l’herbe pendant au moins 3 ans. La manière la plus simple d’y parvenir est de couvrir la plantation de 10 à 15 cm de paille, en renouvelant régulièrement ce couvert qui va très rapidement disparaître. Cette technique, qui a le mérite d’enrichir le sol pose néanmoins le problème du suivi. En effet, mettre la paille avant la plantation est une chose aisée. Cela devient plus compliqué lorsqu’il faut « repailler », et cela à plusieurs reprises pendant au minimum les 3 premières années. Un des désavantages également de la paille, c’est qu’elle attire les rongeurs (dont le campagnol terrestre) qui sont friands des jeunes plants et que le paillage doit être accompagné d’un désherbage pour éliminer les adventices les plus résistantes (liseron…). On peut utiliser également du BRF ou Bois Raméal fragmenté mais encore faut-il en trouver, et en quantité suffisante, et prévoir les modalités d’épandage.
Beaucoup plus efficace, et ne demandant aucun entretien, est la technique de plantation sur film plastique noir 80 microns spécial vigne. C’est la technique préconisée par D. Soltner, après des années d’essais et d’observations. Et celle retenue par François Schenini en champagne crayeuse. Le film empêche la pousse des mauvaises herbes et maintient au niveau du sol une atmosphère chaude et humide.
Il existe d’autres systèmes de couverture, tels que la bâche biodégradable, les rouleaux de jute ou de chanvre, mais ils se décomposent rapidement (max deux ans) et sont beaucoup plus chers.
Nous n’aimons pas particulièrement le plastique dont on connaît les conséquences néfastes sur l’environnement, surtout quand son usage est totalement débridé, ce qui ne nous empêche pas de rouler dans notre voiture bardée de plastique dans ses garnitures, ses pare-chocs et autres équipements, de se laver les dents avec une brosse à dents ni en bois, ni en soie de sanglier ou de cochon, d’accepter l’infirmière et sa seringue aseptisée quand on doit faire une prise de sang.
Mais le sujet n’est sans doute pas là puisqu’effectivement un chantier de plantation de haie peut se passer de plastique pour obtenir un résultat satisfaisant. La question que nous posons est la suivante : « sans plastique, oui, mais à quel prix » ? Et le prix n’est pas seulement en espèces sonnantes et trébuchantes, mais en heures et surtout en résultat.
La petite haie de 40 mètres le long du jardin du voisin a reçu une bonne dose de BRF pour un paillage efficace, c’est sans doute le top, avec la paille, puisqu’on trouve ces matériaux sur place, parfois même gratuitement.
Quand nous optons pour le paillage plastique, c’est toujours pour des réalisations conséquentes, prioritairement dans le milieu agricole quand il s’agit d’établir un projet ambitieux de nature à essayer d’inverser le bilan de la destruction des haies existantes. Il semblerait – chiffres à vérifier – qu’on arrache annuellement en France 20 000 km de haies(*), alors qu’on en replante à peine 4 000. Donc, rien à voir avec la petite haie de 40 mètres faite des 80 petits plants glanés dans une abondante régénération de hêtres, de charmes ou d’érables, de cornouillers, camerisiers, fusains ou autres épines blanches.
Quand vous devez cogiter pour un ambitieux projet de plusieurs kilomètres, vous devez le faire, non pas que sur les exigences de la première année, à la création, mais surtout bel et bien dans le temps, en garantissant les 4 ou 5 années suivantes, déterminantes pour que les plants soient bien installés et croissent de manière vigoureuse.
Préparation du sol par décompactage, pose d’un paillage pour maîtriser tout de suite les adventices, l’expérience, tout comme les excellents conseils de Dominique Soltner dans ses précieux ouvrages « L’arbre et la haie » et « Planter des haies », nous conduit à opter pour ce plastique spécial vigne de 80 microns traité anti UV qui a fait ses preuves dans le milieu viticole.
Au passage, installer un paillage en arrière-saison pour ne planter qu’au printemps n’a rien de choquant, voire même est à privilégier car cela permet de s’affranchir d’un désherbage chimique et de conserver une texture du sol qui facilitera la plantation plus tard. Mieux encore, si le printemps est sec, la bâche retient l’humidité et la reprise des plants n’en sera qu’améliorée.
Nous avons suivi des chantiers de plantation avec un paillage plus « sain » pour la planète : les bandes en chanvre-lin, laine de mouton, jute, paille et BRF. Rien à dire la première année, à part peut-être un coût très largement supérieur au plastique et un ancrage au sol parfois douteux en cas de rafales de vent. Par contre, nous avons remarqué, dès la seconde saison, une efficacité moins bonne qui devient presqu’inexistante la troisième année. La concurrence des adventices, notamment des graminées devient un gros problème pour la croissance des plants, les graminées pompant beaucoup d’eau. D’où une mortalité importante en cas de sécheresse.
Il conviendrait alors de recharger le paillage dès le mois d’avril, mais quand on connait le planning d’activités des agriculteurs à cette période jusqu’à la moisson et l’accessibilité des plantations dans les fermes de polyculture, cette opération est parfois inenvisageable. Jusqu’à maintenant, la plupart des haies réalisées dans le milieu agricole avec des matériaux biodégradables ont disparu ou sont réduites à quelques plants maigrelets qui ne ressemblent à rien.
C’est donc davantage par pragmatisme que par conviction que nous proposons le plastique comme solution pour un paillage efficace, toutes les haies réalisées avec ont atteint leur croissance « de croisière » à partir de cinq ans.
Quant aux protections contre les dents des chevreuils, lièvres ou lapins, elles s’avèrent aussi essentielles dès lors qu’on note la présence sur le site d’une de ces trois espèces ou même les trois ensemble. Plastique or not plastique ?
Le paillage demeure une condition favorable au développement du campagnol terrestre, avec les dégâts racinaires qu’on connaît, pour cela, le plastique n’est pas meilleur que la paille ou le BRF, ou encore les tapis végétaux. Pas de référence pour la laine de mouton en paillage pour l’instant.
Nous allons suivre dans les prochaines années, une réalisation de 17 km de haie – de l’ordre de 17 à 20 000 plants – sur une exploitation agricole du nord meusien, réalisée sans plastique, sauf pour les protections des plants, cette ferme présente l’avantage de pratiquer l’élevage bovin qui peut ouvrir l’accès à la haie par endroits toute l’année pour recharger cet indispensable paillage pour la bonne reprise des plants. Ce chantier représente un investissement lourd, très allégé par des subventions généreuses et un chantier participatif qui a réuni plusieurs dizaines de petites mains pour la conduire. Peut-on généraliser une telle pratique ? Combien de ces petites mains pour recharger le paillage là où la machine ne peut le faire ?
Imaginons qu’il nous faille consacrer une demi-journée pour, à la main, désherber et recharger en paillage une haie de 50 ou 100 mètres, combien de demi-journées pour bichonner 1 km de cette même haie, surtout si elle n’est accessible qu’à pied ?
Finalement, c’est avant tout en termes de balance entre les avantages et les inconvénients du paillage plastique que nous prenons, à regret certes, l’option plastique en attendant d’autres techniques à venir qui soient plus accessibles et surtout plus vertueuses.
Thierry Heins/François Schenini
Croqueurs de Pommes de la Meuse
Avec le soutient de