Dans les vergers de plein vent, la taille en axe vertical, développée dans les années 30 et affinée par Jean-Marie Lespinasse dans les années 70, favorise une cime aérée et une production fruitière de qualité. Cette méthode, qui suit la forme naturelle des arbres, assure une pénétration optimale de la lumière et une résistance accrue aux maladies, tout en demandant peu d’entretien. Le fruit, plus que le sécateur, guide cette technique douce et efficace, garantissant des arbres vigoureux et durables.
Dans nos vergers traditionnels ou vergers de plein vent dont les arbres sont greffés sur francs, nous taillons en axe vertical, une technique développée dans les années 1930 et affinées dans les années 70 par Jean Marie Lespinasse, de l’INRAE de Bordeaux. Il s’agit d’un élagage qui vise à obtenir un bel axe central dominant, autour duquel se répartissent de façon équilibrée des branches secondaires qui, suivant l’âge sont des branches fruitières et en vieillissant, deviennent des branches qui peuvent être comparées à des branches charpentières. Il s’agit d’une conduite douce, simple, s’inspirant de la forme naturelle des arbres, assurant une production rapide et élevée de fruits de qualité, une bonne résistance des branches et enfin, qui ne nécessite que peu de temps pour sa réalisation. Les arbres conduits de cette façon prennent une envergure nettement plus réduite, développent des branches qui s’arquent naturellement sous le poids des fruits et leur flèche monte un peu plus haut que les formes classiques. Si l’élagage de formation a correctement été réalisé, l’arbre peut se développer par la suite sans de lourdes interventions d’entretien. Et sa longévité en est accrue. Le temps de travail est nettement réduit par rapport à la taille en gobelet puisqu’on se limite à la suppression de branches et non à la taille de celles-ci.
L’objectif premier de cette conduite est d’obtenir une cime aérée, d’assurer une bonne pénétration de la lumière au cœur de l’arbre de telle façon que chaque branche reçoive de façon équitable sa dose de lumière et de sève. Les résultats obtenus conduisent à une moindre sensibilité aux maladies liée notamment à une bonne aération de toute la ramure et à un séchage plus rapide des feuilles et des fruits. Enfin, cette technique repose sur un principe simple : c’est le fruit, et non le sécateur, qui permet de maîtriser la vigueur naturelle de l’arbre.
Comment procéder ? Le cas du pommier haute tige.
Les pommiers HT sont greffés sur bittenfelder (Malus domestica). Ce porte-greffe franc très vigoureux supporte le plein-vent et apporte un très bon ancrage au sol. Il s’adapte bien à la plupart des sols. Il offre une grande longévité – de 80 à 100 ans. Néanmoins, il ne donne pas de tronc bien droit. Pour solutionner ce problème, les pépiniéristes greffent en pied la variété Pomme d’Or ou Président, mais également la Gueule de Mouton très résistante à la plupart des maladies, et particulièrement au chancre. Cette dernière donne également d’excellents fruits pour le jus et le cidre. Je replante massivement cette variété dans mes vergers.
En mars de la 4ème année de croissance, les variétés sont greffées en fente à 2 mètres de hauteur suivant les commandes enregistrées par le pépiniériste pour la saison à venir.
A la réception de l’arbre (en novembre – décembre de cette 4ème année, en circonférence 8/10 ou 10/12 mesurée à 1 mètre de hauteur), et au moment de sa plantation, on sélectionne parmi les 3-4 pousses issues du greffon la tête la plus centrale, la plus vigoureuse, éventuellement celle face au vent dominant (min. 30 cm de long et 1 cm d’épaisseur à la base). On élimine les autres. S’il n’y a pas de tête bien formée, il est recommandé de laisser 1 ou 2 ans à l’arbre pour “faire sa tête” et de la sélectionner à ce moment-là.
Photo T. Heins : choix de la pousse la plus centrale à la plantation. Toutes les autres sont éliminées.
Lors de la taille de formation, soit pendant les 10 à 12 années qui vont suivre, on veille à respecter la forme naturelle du pommier qui est généralement pyramidale, comme un sapin de Noël. Les branches de la base de l’arbre sont naturellement plus vigoureuses que celles disposées au-dessus. Il est donc nécessaire de respecter cette hiérarchie autour de l’axe. On évite aussi une trop forte concentration de pousses à la base de l’arbre, situation qui gênerait le développement ultérieur de la tige centrale.
On va donc tailler afin d’obtenir un arbre-tronc, de forme pyramidale, dont les branches sont correctement implantées autour de celui-ci, avec des angles d’ouverture par rapport à l’axe les plus ouverts possibles. Des angles trop fermés (inférieur à 30°) provoquent la formation d’écorce inclusive, point de fragilité des futures branches fruitières et charpentières (une des problématiques majeures de la taille en gobelet). C’est bien l’angle à l’insertion qui compte, même si l’extrémité de la branche se redresse. Les branches sont réparties autour du tronc afin d’équilibrer le poids de celles-ci. L’image de l’escalier en colimaçon est à retenir. Entre 2 branches latérales qui se superposent dans le même plan, on laisse un minimum de 50 cm, souvent un mètre entre elles. Il faut attendre que les latérales soient bien formées pour pouvoir faire une bonne sélection. Idéalement les latérales auront entre 2 et 5 ans et commenceront à mettre à fruit pour procéder à cette sélection.
Il faut aussi veiller à ce que plusieurs latérales, même si elles sont dans des plans différents, ne soient insérées au même point, pour ne pas constituer un goulot d’étranglement qui réduirait l’influence de la tête et amènerait à la formation d’un gobelet. Encore une fois, gardez à l’esprit une répartition des branches en spirale autour du tronc, comme dans un escalier en colimaçon.
La hauteur des premières latérales qui donneront les charpentières est déterminée en fonction des animaux qui pâturent le verger : 1,7 m pour les moutons, 2,4 m pour les bovins.
Les règles de base étant connues, il est nécessaire néanmoins d’adapter cette taille au port naturel de l’arbre (basitone ou acrotone) et au groupe de fructification (groupe I, II, III ou IV). Il faut donc connaitre le comportement spécifique de la variété fruitère. Voici quelques règles succinctes mais je vous convie à consulter les informations publiées par J.M Lespinasse et disponibles sur internet.
Photos T. Heins : En troisième et quatrième année, on élimine les branches aux angles d’insertion trop fermés et celles qui prennent trop de sève afin de favoriser le développement de l’axe en hauteur. A noter que sur la photo de droite, la variété est plutôt basitone et nécessitera une taille importante des branches les plus basses, qui prennent trop de dominance.
Tendance basitone et Acrotone
En forme libre, les variétés basitones donnent des arbres très volumineux et de faible hauteur, avec de grosses charpentières. Font partie de ces variétés la court pendu rosa, la Belle Fleur Simple, la Reinette de Blenheim, la Douce Coet et Douce Moen, la Binet Rouge, la Gris Braibant, la Bedan… Ces variétés se comportent en chandelier, avec une table basse de production, c’est-à-dire de solides charpentières dans les étages bas, et une mise à fruit lente.
Pour favoriser le développement de l’axe, il faut diminuer l’appel de sève en partie basse, en supprimant les branches basses trop vigoureuses et en surnombre, éventuellement en diminuant leur vigueur en les ouvrant artificiellement (Ok pour l’amateur mais pas pour le professionnel), et augmenter l’appel de sève en partie haute en laissant quelques rameaux au sommet de l’arbre. Les latérales basses qui ont une section supérieure à 20-30% de celle de l’axe central sont éliminées lors de la taille de formation. De même également pour les pousses trop vigoureuses et à angle d’insertion trop fermé. Sur ces variétés basitones, il faut sélectionner les branches de la table basse sur plusieurs années.
Photos T. Heins : Variété basitone : les branches basses prennent trop de dominance. Plusieurs têtes se forment et un goulot d’étranglement s’est formé en partie haute, contrecarrant le développement de la tête. – Plusieurs branches basses sont éliminées. De même, le goulot d’étranglement à mi-hauteur a été dégagé pour stimuler la croissance du leader.
Au contraire, les variétés acrotones donnent des arbres à forme plus ou moins cylindrique, avec un dégarnissement assez marqué de la partie basse. On cherche donc à obtenir des arbres plus coniques en réduisant la croissance en tête et en assurant très tôt la formation d’une table basse à bonne hauteur. On cherche donc à augmenter l’appel de sève en partie basse. On supprime les trop nombreux rameaux au sommet de l’axe (dégagement du leader), et on cherche à renforcer les branches basses par pincement d’été et taille d’hiver (à condition que ces branches demeurent bien éclairées) et/ou réduction du poids des fruits en bout de branches basses, en supprimant les branches hautes plus vigoureuses que celles qui devront constituer la table de production. Il faut éviter de rabattre l’axe sous prétexte que l’arbre se ramifie mal. Cette intervention se traduira par des départs très vigoureux au niveau de la coupe, ceci au détriment des repercements dans la partie basse. Attention à ne pas considérer les repercements comme des gourmands ! Leur angle d’insertion sur l’axe étant déterminant dans leur sélection. Quelques exemples de variétés acrotones : Belle fleur large mouche, Gris Braibant, La Paix, Reinette étoilée…
Les groupes de floraison
Les variétés de type I fructifient sur vieux bois, elles sont assez trapues. Elles sont appelées « SPUR ». Elles forment des boutons à fleurs sur le tronc et les branches primaires et se ramifient peu. On peut dans ce cas laisser plus de charpentières lorsqu’on sélectionne celles-ci.
Chez les variétés de type II, les coursonnes sont le lieu de croissance de jeunes rameaux assez courts qui seront à leur tour porteurs de fruits.
Pour ces variétés de type I et II, on supprime les premières années les grosses branches à la base de l’arbre sinon elles risquent de ne jamais s’ouvrir. On laisse 1 ou 2 ans d’avance à la tête. On veille à ne pas laisser de goulot d’étranglement.
Chez les variétés de type III, la fructification se déplace vers l’extrémité. Ces variétés se ramifient assez rapidement. Cette façon de porter les fruits provoque un affaissement assez rapide des branches. Les charpentières vont donc s’étendre en longueur et en largeur. Il faut donc limiter le nombre de charpentières autour de l’axe lors de leur sélection. Quant aux variétés de type IV, elles fructifient en bout de branche. Les branches retombent comme celles d’un saule pleureur, mais ne cassent pas si les angles d’insertion sur le tronc sont suffisamment ouverts.
Chez ces variétés de type III et IV, on supprime les grosses branches au sommet de l’arbre sinon elles risquent de faire disparaître les étages inférieurs. On sélectionne rapidement les branches de la base, même si elles présentent un diamètre supérieur au tiers de celui de l’axe.
T. Heins/François Schenini
Croqueurs de Pommes de la Meuse
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