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La lutte contre les campagnols, ravageurs de nos vergers

Les campagnols sont des ravageurs majeurs de nos vergers, ils peuvent très rapidement réduire à néant tous vos efforts. La lutte préventive est la plus efficace, ainsi que le maintien d’une herbe rase les premières années par une tonte régulière ou par le pâturage.

Ces rongeurs creusent des galeries, rongent les racines et même le collet des jeunes arbres. On observe alors un arrêt de croissance, puis un jaunissement des feuilles pouvant entraîner la mort de l’arbre.  Personnellement, j’ai vu des jeunes vergers totalement détruits après dix ans.

Alors que faire ?

 Bien comprendre la biologie des campagnols

 

Au niveau des  espèces et de leur  biologie, on distingue deux types de campagnols responsables des attaques dans nos vergers :  le campagnol terrestre, qui forme des taupinières et ronge les racines, et le campagnol des champs, plus petit, qui creuse également des galeries mais sans former des taupinières. Ce dernier s’attaque au collet des arbres. 

 

La taupe noire (Talpa Europea) est un allié précieux de nos vergers. Elle remue la terre et se nourrit de vers de terre et insectes. Elle forme des galeries et de grosses taupinières hémisphériques alignées et à la granulométrie fine. Elle ne doit pas être confondue avec le  campagnol terrestre (Arvicola terrestris), qui forme des taupinières plus aplaties, distribuées irrégulièrement, et à la granulométrie plus grossière. En général, dans les zones infestées par le campagnol terrestre, on constate un jaunissement du couvert herbacé, car il se nourrit des racines des plantes. Quand ces campagnols rencontrent des racines de jeunes fruitiers, ils s’y attaquent par opportunisme et les rongent dans la profondeur du sol. Il consomme son propre poids en racines par jour.

 

Le petit campagnol, ou campagnol des champs (Microtus arvalis) creusent de plus petites galeries. On retrouve en général de nombreux orifices les uns à côté des autres, et des coulées semi-ouvertes (galeries de surface), très visibles lors des périodes de sécheresse. Ils se nourrissent dans plantes prélevées en surface, mais aussi des écorces des jeunes arbres, et de graines.  Ils sont friands ainsi de l’écorce des jeunes arbres fruitiers. Ils peuvent ainsi consommer toute l’écorce d’un jeune arbre au niveau du sol, rendant impossible la remontée de sève. L’arbre est ainsi condamné.

 

Ces campagnols s’attaquent à de nombreux porte greffes, mais avec une préférence pour le M9 (nanifiant du pommier), le M106 (demi-tige pommier), le cognassier. Mais ils s’attaquent également aux porte greffes francs de type bittenfelder (pommier) ou kirschensaller (poirier).

Techniques de lutte

 1. La poche grillagée

La première technique à mettre en œuvre est de planter sous poches grillagées. Nous utilisons du grillage à poule de maille 13 mm, chaque poche nécessite  1×2,5 m de grillage. Le panier formé est placé dans le trou de plantation. Le  grillage est ramené autour du tronc jusqu’à la hauteur de la greffe pour protéger l’arbre du petit campagnol des champs. Les rongeurs n’ont ainsi pas  accès aux racines et au collet.

Mais cela ne protègera vos arbres que pendant deux à trois ans. Vous avez donc deux à trois ans pour purger votre verger des campagnols.  Car la poche va se dégrader rapidement au contact de l’humidité du sol et des acides humiques. Certains disent que la poche pourrait étrangler les racines. Ceci est totalement faux, je peux vous assurer qu’en quelques années vous ne retrouverez plus trace de votre grillage.

  1. La tonte ou le pâturage

Nous vous conseillons vivement de ne pas produire du foin sur un jeune verger. En effet, le campagnol y trouvera un très bon refuge, bien caché des rapaces, renards…. Il est impératif de maintenir une herbe rase les premières années, par une tonte très régulière, ou beaucoup mieux, par un pâturage tournant de bovins et ovins.  L’avantage du pâturage est que le campagnol terrestre est particulièrement dérangé par les vibrations et le piétinement des animaux. Or le campagnol terrestre sort peu de ses galeries, puisqu’il ne nourrit du système racinaire. Sur nos vergers, nous pratiquons un pâturage tournant et rapide des parcelles, de 2 à 3 jours par passage. Tous les deux à trois passages, nous passons une herse à prairie pour étaler les bouses, et aérer le couvert végétal. Cela dérange également les campagnols.

Bien sûr, si vous faites pâturer, protéger les arbres en conséquence : corsets métalliques pour les bovins, ou grillage à mailles carrées pour les moutons.

  1. Le piégeage

Vous pouvez piéger les campagnols à l’aide de pièges topcat. La meilleure période pour piéger est de  septembre à mars. Vous vous attaquerez ainsi aux quelques couples qui passent l’hiver dans vos parcelles. Chaque femelle piégée réduira la pression sur le verger, puisqu’un couple en début de saison, c’est une centaine de campagnols en fin de saison. Ils se reproduisent à merveille.

Il faut bien circonscrire les zones de piégeage. Lorsque vous trouvez une zone de taupinières à campagnols, rechercher les galeries à l’aide de votre sonde, et dès que vous détectez une galerie, creusez à l’aide de la tarière le trou nécessaire au placement du piège. En général, j’en place huit à dix dans la zone à circonscrire. Il est rare de prendre un deuxième campagnol exactement au même emplacement, je pense qu’ils deviennent vite très méfiants.

Un piège topcat en inox coute 50 Euros pièces hors tva. Il faut ajouter le coût de la tarière et une sonde. Disponibles chez Agroressources.

Autres moyens de lutte préventive

Les autres moyens de lutte, qui sont efficaces à long terme, consistent tout comme par la tonte ou le pâturage à créer un milieu défavorable au bien être du campagnol.

L’installation de perchoirs à rapaces

L’installation de perchoirs permet d’attirer des rapaces qui vont ainsi pouvoir surveiller les mouvements des campagnols. La pose des perchoirs est recommandée dans les jeunes vergers dépourvus de vieux arbres pouvant  offrir des points d’observation aux prédateurs tels que  buses, moyen duc, chouette chevêche, chouette effraie, ….

Je fabrique mes perchoirs avec de la latte de toiture de 27×40 mm, d’une hauteur de 3 mètres, que je visse directement sur le tuteur de l’arbre. J’en place en moyenne 2 à 3 par ha, mais tout dépend de la forme de la parcelle, de son environnement naturel (exemple, ceinturée par un massif d’arbres ou pas…). J’ai constaté que les rapaces les adoptaient très rapidement, mais c’est surtout efficace contre le campagnol des champs. En effet, le campagnol terrestre sort peu de ses galeries.

La pose de perchoirs a également l’avantage de protéger quelques peu vos jeunes arbres, dont l’axe principal reste fragile. Les rapaces éviteront de s’y poser et de casser l’axe.

Le renard, un précieux allié

Je suis toujours très heureux lorsque j’aperçois un renard dans mes vergers. Car c’est un prédateur très efficace, contre les deux types de campagnols. Un couple de renards consomme près de 6000 campagnols sur une année… CQFD

Mais il n’y a pas que lui. Si vous aménagez des tas de pierres et de bois (résidus de vos tailles par exemple) dans le verger, vous attirerez les belettes et fouines. De redoutables prédateurs également.

Plutôt que de rechercher la confrontation avec les chasseurs, je discute avec eux de l’importance du renard dans notre programme de lutte contre le campagnol. Je n’hésite pas à les rencontrer lorsqu’ils sont rassemblés lors de chasses sur nos territoires.

Nichoirs à rapaces

J’ai peu d’expérience à ce niveau. Il existe des nichoirs à chouette chevêche, je n’en ai jamais installé. J’ai eu la surprise en 2019 d’avoir un couple de moyen duc dans l’un de mes vergers, il s’était installé dans un ancien nid de pies au sommet d’un vieux mirabellier, et j’ai eu le bonheur de suivre le développement de deux beaux « poussins ». J’ai également un couple de chouettes effraies qui niche dans le clocher et visite le verger à proximité ainsi que ma grange.

Bien sûr, rien de tel que de vieux arbres dans lesquels  viendront s’établir chouettes chevêches…. Si vous régénérez un vieux verger, gardez quelques vieux arbres, même morts.

Thierry Heins